C’est un matin de décembre. Le ciel pleure des larmes glacées. A l’image de ce monde, le tapis blanc est souillé. Noirâtre après quelques minutes. Sur le bitume gadoueux, la foule se presse. Cohue indescriptible, marionnette d’un ballet dont ils ne connaissent même pas l’existence, la masse vit. Rêvant de liberté. Parlant d’indépendance. Leur vie est leur choix. Les fous !
Dans ce brouhaha inaudible, dans cette confusion organisé, dans cette désespérante répétition. Qui pourrait attendre un prodige ? Pas moi. Mais là, sur le macadam avili. Sur cette infime morceau de la preuve de la corruption humaine. Une grâce m’a été faite. Un bout de neige est immaculé. Angélique, il resplendit de par son innocence. Et là, trônant timidement. Une rose a bourgeonné. Noir comme la nuit. Elle a la magnificence du jour. Un seul mot lui convient : Pureté.
Le jour est bien entamé dans le ciel. Une adolescente avance. Elle a le sourire aux lèvres. Il lui a dit qu’il l’aimait. Il lui a dit que sans elle sa vie n’a pas de sens. Elle l’aime. Il l’aime. Que pourrait ternir ce jour si impeccable ? Un flocon se pose sur son nez. Elle en rit au éclat. Ecartant les bras elle tournoie. Que c’est bon d’être vivant. Que c’est agréable d’être enfin entier.
La plèbe va, vient. Aucun ne prête attention à ce présent divin. Aucun ne tressaille à la noblesse de la rose. Qui tournerait son regard vers une vulgaire fleur ? La merveille est ignorée, dédaigné. Sa beauté se fane. Flétrit parce que personne ne la vue. Vue, belle dans sa simplicité. Ne la deviné, parfaite dans sa modestie.
Incrédule, la jeune fille pleure. Verse les larmes de son corps sans honte. Il lui a menti. Elle vient de le croiser. Il sortait d’un hôtel avec un autre. Sa sœur s’est elle persuadé. Mais, mais… les mots se brouillent dans l’esprit torturé de la demoiselle. Quand leurs lèvres se sont touchées en face d’elle. Quand, doucement, il lui a caressé les cheveux. Son monde s’est écroulé. Il n’y avait plus qu’un mot douleur. Son cœur est détruit. Sa vie n’est rien. Un mensonge. Un mensonge entretenu par la société. Consenti et voulu. Elle n’as plus de but. Ses rêves se brisent. Recroquevillé sur elle-même. Elle attend la mort. L’ange arrive. Il séchera ses larmes…éternellement.
Le soir tombe sur la ville. Le miracle a perduré. Ce petit bout d’asphalte est vierge, vierge de toute impureté. Mais la pauvre rose. Racorni à force d’avoir pleuré sa transparence. N’est plus qu’une grossière tige où pendent quelques malheureuses feuilles. Ignoré puis maintenant raillé. La fleur dépérit. S’oublie à la mort. Il n’y a plus que sa pour elle. Partir pour ne plus souffrir.
C’est le crépuscule. Triste, une jeune femme parcoure la ville. Elle erre au hasard. Son amour est mort. Hagard, elle cherche. N’importe quoi. Quelque chose. Un but, une lumière où se raccrochait. La rose. Esseulé sur son bout de béton. Elle illumine la rue. Brille à l’image de sa beauté perdue. Titubant. La femme s’en approche. Compatissante, elle frôle ses pétales chancelants. Avec application, la jeune femme s’essaie à ranimer ce don de la nature. Une larme coule sur sa joue. La rose la reçoit. L’eau contraste avec la sombre couleur de la fleur. Revigoré. Par tant d’affection, et par amour pour son anonyme bienfaitrice. La fleur se relève. Altière sur son royaume. Elle est fière. Fière d’avoir reçu l’amour d’une personne qui n’en avait plus. A cette vue la jeune fille esquisse un sourire. Puis, ravalant un sanglot, elle reprend sa route. Elle reprend sa vie.
Les miracles existent. Elle en a désormais la certitude. Fragile foi. Mais elle s’y accroche. Une rose est née un matin de décembre. Méprisé par la société. Elle ne voulait plus continuer. Mais la suite lui a prouvé qu’un peu d’amour pouvait sauvé. Autant celui qui reçoit que celui qui donne…